Rencontre avec le dernier menuisier de Paris

Il y a des matins où quand on se lève on ignore ce que la journée nous réserve. Avez-vous déjà eu ce sentiment étrange? Je veux parler de celui qui vient de cette petite voix intérieure qui nous dit qu’il n’y a pas que des hasards dans la vie…

Hier je me décide enfin à aller rencontrer un réparateur de parapluies mais je me retrouve devant la porte close, horaires d’été obligent. Je déambule dans le quartier, je lève les yeux et admire l’entrée d’un passage couvert que je ne connais pas. Deux cariatides magnifiques m’ouvrent l’entrée du passage Bourg-l’Abbé. A l’intérieur une rencontre insolite m’attend.

La vieille horloge accrochée là-haut est sans doute le témoin d’une longue histoire. Je regarde les vitrines et une très belle devanture d’époque attire mon attention. La porte ouverte laisse voir un charivari de menuisier. L’artisan est là, il balaie les sciures de bois. Le parfum des essences me ravit. Je lui lance un « ça sent bon chez vous! » et c’est le début d’une belle rencontre.

Cet artisan c’est Ivan Lulli, un gars robuste et chaleureux. Il me dit « Ivan et Lulli sans « y » car je suis italien ». Il m’explique qu’il est le dernier menuisier ébéniste marqueteur du centre de Paris et me raconte son histoire en toute simplicité : à un mois il était déjà présent dans cet atelier, celui de son père. C’est une affaire de générations.

Atelier d'Ivan Lulli, Passage Bourg-l'Abbé, Paris

Atelier d'Ivan Lulli, Passage Bourg-l'Abbé, Paris

Ici il crée des oeuvres à la demande, sur-mesure, comme Geppetto et ses personnages de bois dans Pinocchio. D’une commode ancienne il sort trois clichés dont un avec Pierre Cardin pour qui il a créé une console cavalière, façon Cheval de Troie, une merveille qui lui a demandé un mois de travail. Ivan est sculpteur de bois.

Il me fait visiter son univers, un repaire poétique où un vieux téléphone à cadran côtoie des machines à raboter. Les planches sont bien rangées sur des étagères aux étiquettes : chêne, bois de rose, hêtre, merisier, pin, poirier, sapin, platane, olivier, buis, teck, érable, sycomore, châtaignier, noyer, alizier, etc… Il me fait sentir l’essence d’un bois péruvien et m’explique qu’il faut « faire pleurer les bois » pour apprécier leur parfum. C’est un passionné du métier et des mots. Il a même écrit un poème sur sa passion. Il est question de connexion entre l’esprit, la matière et les mains.

Je lui pose des questions et il y répond spontanément. Il me dit aussi qu’il n’a pas d’apprenti car il ne pose pas les bonnes questions. Explication claire pour évoquer des expériences décevantes. Entre nous le dialogue est fluide. Je découvre son bureau, un petit espace au bazar organisé, quelques dessins et un superbe gramophone façon trophée familial sur le coin de la table.

Bureau d'Ivan Lulli

Atelier d'Ivan Lulli, Passage Bourg-l'Abbé, Paris

En sortant j’admire un superbe plancher marqueté où les branches folles d’un arbre dansent et s’enlacent. Il renferme sept symboles. C’est le secret qu’il ne me révèlera pas : « Pas tout tout de suite, il faudra revenir ». Pour moi il n’est pas seulement un artisan, c’est un artiste avec toute la sensibilité que cela implique. Regard malicieux et mains d’or.

Il y a des matins où quand on se lève on ignore ce que la journée nous réserve, c’est certain.

Pour rencontrer Ivan, rendez-vous au

18 passage du Bourg-l’Abbé

75002 Paris

Tel. 01 45 08 55 56

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Si vous aimez les passages parisiens, je vous invite à lire ou redécouvrir mon article Enchantement des passages parisiens

 

 

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