En remontant l’avenue de Rivoli un bâtiment original attire mon attention. De gros personnages couleur bleu Klein façon Botero semblent voler et escalader la façade haussmannienne. C’est créatif et coloré. En y regardant de plus près je découvre qu’il s’agit en fait d’un immeuble de six étages dédié à des ateliers d’artistes et dont les portes sont ouvertes gratuitement au public. Quel concept génial!
Du squat aux ateliers d’artistes
Autrefois l’immeuble appartient au Crédit Lyonnais et parce qu’il est à l’abandon et inoccupé quelques artistes s’y installent en 1999 pour créer un « squart » (squat artistique). Mais leur illégalité est dénoncée et les politiciens récupèrent le sujet à l’occasion des élections municipales. Le ministère de la Culture indique qu’avec près de 40 000 visiteurs par an c’est le troisième centre d’art contemporain le plus visité de la capitale. Finalement la Mairie de Paris rachète l’immeuble dans le cadre d’une politique culturelle alternative. Elle entreprend des travaux de rénovation pour mettre aux normes sécurité et incendie les six étages. Depuis 2009 le 59 Rivoli est une association d’ateliers d’artistes en résidence qui construit sa réputation grâce à des vernissages, des performances, des expositions et des concerts hebdomadaires.
Un lieu créatif pluridisciplinaire et atypique
Dès l’entrée l’atmosphère est donnée : tags imposants, dédicaces personnelles, fresques multicolores, messages humoristiques, provocants ou revendicateurs, on est vraiment dans un lieu d’expression libre. Au rez-de chaussée la galerie assez dépouillée met en avant quelques créations étranges, et l’escalier en colimaçon dessert six étages d’ateliers plus fous les uns que les autres. On entre à chaque fois dans un univers différent et j’ai la sensation de pénétrer chez quelqu’un : les toiles sèchent, les pinceaux trempent et la tasse de café est encore fraîche sur la table basse qui fait face au fauteuil. Les artistes déambulent, discutent, s’entraident, s’inspirent les uns des autres. Il y a une belle effervescence créative et une ambiance à la cool. La lumière inonde les pièces. Au milieu d’un ensemble de toiles dont les yeux m’examinent j’observe un « sol-palette » étonnant. Plus loin des capsules de bières sont détournées en portraits de petits personnages imaginaires. A un autre étage un charivari étourdissant ressemble à une caverne d’objets de récup où il est difficile de se frayer un chemin. A côté, l’artiste japonaise Ayumi Shibata excelle dans l’art du découpage pour créer des sculptures en papier. C’est léger, féminin, poétique. Enfin tout en haut, sous le ciel de Paris, l’artiste antillais EGZO recycle des paquets de cigarettes en boîte à musique. Ces « xo(beat)box » contiennent un QR code qui permet d’écouter des « beat » (rythmes musicaux). C’est très original et l’artiste prend le temps de nous expliquer son concept.
L’art est définitivement vivant
Ce lieu passionnant rend l’art accessible, il le démocratise. Les œuvres sont présentées brutes et à leur source. C’est authentique, il n’y a aucune mise en scène. Les toiles, les sculptures, les photographies, et les collages s’empilent sur des établis au milieu d’un tas de fournitures en attente d’être transformées. Enfin les artistes et le public peuvent interagir pour se comprendre et s’apprivoiser. En rentrant ce soir là j’observe encore la façade depuis le bus. Le message est clair: seul l’art pourra nous sauver, c’est l’issue de secours.
Atelier 59 : http://www.59rivoli.org
59 avenue de Rivoli
75001 Paris
Barbara vous en dit plus 