« Tu seras peintre mon enfant ou jamais il n’en sera ». Ces mots stricts de son père pastelliste illustrent aujourd’hui la destinée incroyable d’Elisabeth Louise Vigée Le Brun, une portraitiste talentueuse du XVIIIe siècle que le Grand Palais honore actuellement en lui consacrant la première rétrospective en France. Une expo à ne regarder que des visages et des bustes peints, de quoi s’ennuyer me direz-vous! Pourtant je suis allée découvrir cette exposition avec des attentes élevées notamment car le Grand Palais met souvent la barre très haut, mais aussi et surtout car Vigée Le Brun, bien que méconnue du grand public, était la portraitiste officielle de la reine Marie-Antoinette.
Dès l’entrée je suis émerveillée par la beauté des premières toiles et des autoportraits. Il y a beaucoup de femmes évidemment: des dames de la noblesse et des princesses. Les visages sont beaux et plein de fraîcheur. Sous le pinceau de Vigée Le Brun, les peaux fines et claires sont si délicates qu’elles semblent s’illuminer de l’intérieur. On aimerait pouvoir caresser leur grâce. Je suis étonnée de l’expression des visages : les regards sont profonds et les bouches entre-ouvertes dévoilent des dents. Les poses de trois-quarts sont distinguées. Les mains potelées terminées par des doigts fins tiennent une lettre, un collier de perles, un animal de compagnie ou des fleurs. Le talent de l’artiste est indéniable pour mettre en valeur les toilettes de ces élégantes qui font rêver les petites filles. Les tissus ont des couleurs merveilleuses : jaune or, parme tendre, bleu argenté, gris perle, vert émeraude, rose poudré et les nuances de bleus sont toutes sublimes. La brillance des soies et des taffetas resplendit. Les voiles et les dentelles jouent une transparence subtile, très raffinée. Les coiffures ornées de fleurs, de bijoux, de chapeaux ou de dentelles sont sophistiquées et on a l’impression de pouvoir toucher ces chevelures vaporeuses.
Le Grand Palais révèle le talent de l’artiste en le rythmant par les événements de sa propre vie depuis ses années de formation jusqu’à sa consécration à l’Académie royale, titre particulièrement rare pour une femme de l’époque qui n’avait de statut que celui de son époux.
De plus grâce à son parcours, on traverse aussi l’Histoire parmi les fastes de la monarchie où la tradition courtisane voulait qu’on embellisse les modèles, jusqu’à la Révolution française qui pousse Vigée Le Brun à un exil de douze années en Italie, Vienne et Saint-Pétersbourg pendant lesquelles elle portraitura l’élite. Et enfin l’Empire sous Bonaparte.
Finalement au bout de deux heures de visite je me dis qu’il y a tellement de toiles que je pourrais y rester une heure de plus avec plaisir. Le Grand Palais confirme définitivement son savoir-faire en matière d’expositions : scénographie, mise en valeur des oeuvres, dynamisme des chapitres, qualité des informations, nombre d’oeuvres présentées, accessibilité, accueil, etc… jusqu’à la qualité de la boutique.
Elisabeth Louise Vigée Le Brun
Grand Palais, Galeries nationales
3, avenue du Général Eisenhower
75008 Paris
Tel. 01 44 13 17 17
N.B.: Accompagnée de ma grand-mère qui marche difficilement, je salue le Grand Palais pour la mise en place d’un service de fauteuils roulants prêtés gratuitement au public, et l’assistance d’un étudiant anthropologue dévoué qui nous a accompagnées de manière charmante pour la traversée des étages. Un grand confort.
Merveilleusement bien décrite cette expo, ce qui donne envie d’y retourner !…
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