A seulement une heure de Paris la ville de Chartres semblait être la destination toute trouvée pour prendre l’air et changer d’horizon lorsqu’à la sortie du confinement le gouvernement nous a autorisé la limite des 100 kilomètres. Pourtant tous les sites culturels et historiques sont encore fermés. Finalement au mois de juillet, feu vert ! Quel sentiment de liberté après ce long confinement de pouvoir prendre la route sans devoir remplir cette fichue attestation de déplacement qui a rythmé nos sorties hebdomadaires pendant des semaines. Et en chemin, à 18 km de Chartres, je décide de m’arrêter à Maintenon pour visiter son château dont l’histoire est absolument passionnante. Françoise d’Aubigné, ça vous parle, non ? Mme de Maintenon ? Ah oui.
Le château de Maintenon
En bref : L’histoire du château au fil des siècles
Lorsque Mme de Maintenon acquiert le château en 1674, il a déjà quatre siècle d’histoire. A l’origine propriété des Amaury, ces seigneurs conservent cette forteresse médiévale jusqu’au XVIe siècle, période où leurs difficultés financières les poussent à céder leur bien. Jean Cottereau, alors intendant des finances du roi Louis XII, rachète le château avant de l’agrandir et de l’embellir. En 1674 c’est donc Françoise d’Aubigné, qui rachète l’ensemble du domaine grâce au soutien financier du roi Louis XIV. Le château est de nouveau agrandi puis embelli par sa nouvelle propriétaire, mais également sur ordre direct du roi qui y séjourne. Puis en 1698 Mme de Maintenon lègue le château à sa nièce, la femme du duc de Noailles. Finalement en 1983 M. et Mme Raindre, descendants de la famille de Noailles, héritent du château et décident de léguer le domaine à leur fondation en vue de sauvegarder ce magnifique patrimoine. En 2005 la fondation en confie la gestion au conseil départemental d’Eure-et-Loir.
Madame de Maintenon, une propriétaire illustre
Son parcours semé d’embuches, de rebondissements, de fortune, de malheurs et de chance en fait un personnage historique à la fois détesté et admiré. Sujet passionnant les historiens et inspiration littéraire des romanciers, Madame de Maintenon est, sans aucun doute, la propriétaire la plus fascinante de ce château.
Petite-fille du poète Agrippa d’Aubigné, Françoise naît en 1635 à la prison de Niort où son père est prisonnier. Recueillie et élevée par sa tante paternelle elle part finalement avec sa famille en Martinique où son père, libéré, fait fortune puis perd tout aux jeux. De retour en France et sans le sous, Françoise est confiée à sa tante maternelle qui souhaite la convertir au catholicisme. Résistance et humiliation la poussent finalement à entrer au couvent où la vie est dure. C’est à cette période qu’elle rencontre le poète infirme Scarron, de 22 ans son aîné, dont l’esprit est admiré dans la haute société. Il devient son professeur, avant de l’épouser à ses 17 ans. Huit ans plus tard elle est finalement veuve, toujours en difficulté financière, mais elle s’illustre dans les cercles élitistes que fréquentait son mari. En 1669 elle saisit l’opportunité d’entrer au service de Mme de Montespan en tant que gouvernante des huit enfants illégitimes du roi Louis XIV et elle intègre la cour. La passion, la douceur et l’amour qu’elle transmet aux enfants du roi lui valent d’être remarquée par le monarque. Ils deviennent intimes et le roi lui accorde ses grâces. C’est à cette période quelle acquiert le domaine de Maintenon avec le château. Femme d’esprit, influente, élevée au plus haut niveau de la société, Mme de Maintenon est alors gratifiée par le roi qui la fait marquise. En 1683, après la mort de la reine Marie-Thérèse d’Autriche, elle épouse finalement le roi Louis XIV dans le plus grand secret.
Les appartements du château
Tout le château est superbement meublé et décoré. Rien à voir avec les châteaux vides, froids et austères. Ici tout est grandiose, fastueux et brillant et nous sommes transportés au XVIIe siècle dès la montée de l’escalier d’honneur. Ce dernier mène aux appartements de Mme de Maintenon situés dans l’aile ouest du château, l’aile la plus petite mais la plus chaleureuse en raison de son orientation ensoleillée. Toutefois il convient de préciser que seuls les parquets et les tomettes sont d’origine, tout le mobilier d’époque ayant été brûlé sous la révolution française. C’est donc au cinquième duc de Noailles, Immortel de l’Académie Française et chevalier de la Toison d’or, que l’on doit cette reconstitution du XIXe siècle, y compris pour l’aile nord avec le grand salon, le billard, la bibliothèque classée monument historique, et la somptueuse galerie. Lits à baldaquin, chaise à porteurs, tapisseries, portraits, vases, cabinet de toilette, boudoir, etc… participent vraiment à tout le décor d’apparat d’une demeure aristocratique du Second Empire. Mention spéciale pour le clavecin magnifiquement conservé, et les papiers peints chinois, emblématiques de l’époque des « chinoiseries » du XVIIIe siècle, classés aux monuments historiques.
L’aqueduc et les jardins à la française Lenôtre
Pour alimenter les bassins, cascades et fontaines des jardins du Château de Versailles, le roi Louis XIV ordonne la construction d’un l’aqueduc dans le parc de Maintenon pour « amener les eaux de l’Eure par le chemin des airs« . Rien que ça ! En effet les sources autour de Versailles s’avèrent vite insuffisantes pour les fontaines du château qui doivent fonctionner, de jour comme de nuit, selon les souhaits du roi.
Vauban est désigné directeur des travaux de ce projet ambitieux qui doit parcourir pas moins de 80 km et dont la construction débute en 1685. L’architecte Blondel dessine les plans et prévoit trois étages d’arcades sur une hauteur de 73 mètres. Mais ces travaux coûtent très cher et finalement en cours de construction on modifie les plans de départ, jusqu’à arrêter définitivement le projet en 1695, à 29 km de Versailles. Le roi fait don de l’aqueduc à Mme de Maintenon alors que celle-ci le déprécie, se plaignant qu’il obstrue son point de vue.
Au fil du temps l’aqueduc tombe en ruines, et on discute de son démantèlement. Mais les peintres de l’époque, parce qu’il apporte un charme romantique aux jardins, se manifestent pour le faire protéger ; il est vrai qu’il confère aux jardins force et majesté, et aussi une dimension toute particulière, une note à la fois poétique et rêveuse, romanesque et mystérieuse… que l’on retrouve sur les toiles des artistes de l’époque.
Les jardins, dessinés et conçus en 1676 par André Le Nôtre, jardinier officiel du Roi Soleil, sont en effet magnifiques, et depuis le château la perspective des jardins avec l’aqueduc et le bassin est vraiment ravissante. Le Nôtre, célèbre pour les plans et les parterres du Château de Versailles, est en effet particulièrement doué pour concevoir plans géométriques, perspectives, bassins et jeux d’eau, terrasses et parterres brodés qui caractérisent ses jardins à la française.
« Le Nôtre fera de mon jardin un lieu charmant« . Extrait de la lettre de Mme de Maintenon à la comtesse de Saint-Géran (14 juin 1684)
Mais sous le duc de Noailles, en 1848, les jardins sont modifiés par les aménagements des frères Buhler. Et pendant la guerre ils sont complètement détruits pour devenir un potager. C’est finalement en 2013 que le Conseil Départemental lance le projet audacieux de redonner aux jardins leur charme d’autrefois pour commémorer le 400e anniversaire de Le Nôtre. Grâce à un croquis de 1686 conservé à la Bibliothèque Nationale on recrée un jardin à la française selon l’esprit du jardinier du roi.
En bref une visite passionnante tant par l’histoire incroyable que ce lieu concentre, que par la beauté du cadre. Le château est vraiment magnifique car il marie habilement plusieurs époques historiques dont chacune a laissé son emprunte architecturale (Moyen-Age, XVIe, XVIIe et XIXe siècles). Son histoire nous replonge dans nos cours d’histoire de France avec quelques uns de ses personnages les plus illustres, à la fois détestés et fascinants. De plus, à taille humaine, sa visite est agréable, et elle offre des perspectives absolument superbes sur les jardins à la française magnifiés par la majesté de l’aqueduc.
Place Aristide Briand
28130 Maintenon
Tel. 02 37 23 00 09