C’est une destination balayée par les vents et l’air marin, tout au sud de l’Afrique du sud, une destination dont l’Histoire résonne encore dans tous les coins sombres du pays, une destination qui m’a été offerte sur un plateau quand je ne m’y attendais pas.
Samedi matin, texto lunaire reçu de mon amie Katia qui m’invite à partir avec elle une semaine pour ce pays du bout du monde. « Ce n’est pas un poisson d’avril au cas où », me précise-t-elle. Décollage le 1er janvier au petit matin alors que tous les fêtards cuvent leur champagne, encore enfermés dans leurs habits de fête.
Onze heures plus tard nous voilà déjà dans cette grande ville à la situation géographique de rêve, une vaste plaine qui s’élève en une montagne impressionnante mais complètement plate, et dont on dit, lorsqu’elle est recouverte de nuages qui viennent se coller au sommet façon nappe blanche : « la table est mise ».
Une Histoire lourde qui transpire à chaque coin de rue
J’aurais pu intituler cet article « Le Cap, un diamant brut aux multiples facettes » car on ignore si on est en Europe, aux Amériques ou en Afrique. Tout est ici à la fois cosmopolite, beau, et déconcertant, à l’image du mélange des genres, des styles et des mixités.
C’est une destination pleine d’optimisme où le fatalisme regagne parfois du terrain.
Il faut dire que le Cap a été le point de départ d’une colonisation effrénée quand les colons européens, à la quête de la Route des Indes, ont volé les terres des tribus africaines pour cultiver des salades afin d’approvisionner les bateaux de conquête pour enrayer le scorbut qui ravageait les marins à bord. Incroyable quand on y pense. Et puis la débilité humaine, la phobie de l’autre, l’intolérance, l’étroitesse d’esprit, la barbarie et l’avidité l’ont emporté pour atteindre leur apogée avec l’apartheid.
Ici le nom de Nelson Mandela hurle à chaque coin de rue, sur les places et les avenues qui portent son nom, sur les lèvres intarissables d’admiration, et dans les regards éplorés qui le regrettent.
L’Histoire pèse lourd dans cette Afrique résolument créée par les Blancs pour les Blancs. Et les jolies plages façon Californie, et l’ambiance décontractée tendance healthy, gay-friendly et sportive ne parviennent pas à adoucir les mœurs et les antagonismes surannés à la fois politiques et humains. Car derrière les quartiers touristiques du centre, les grandes avenues modernes aux buildings de verre et l’harmonie paisible qui semble se dégager des stations balnéaires idylliques il y a une toute autre réalité : l’apartheid existe encore bel et bien sous une forme endormie, l’apartheid économique avec une discrimination sociale évidente. Le chômage des « coloured » est impressionnant, et c’est bien eux qui habitent les townships, ces bidonvilles misérables situés aux abords des villes. Quant aux terres elles appartiennent toujours aux descendants des colons européens. Un scandale.
Aussi, je ne peux pas dire que mon séjour ait été léger et détaché de toutes ces problématiques fondamentales tant elles m’affligent, tant l’apartheid dans sa forme originelle de séparation des races est récente (son abolition date de 1994), et tant la population vénère son ancien président érigé partout comme un martyre dieu sauveur.
Et pourtant, une destination qui a tant à offrir
Et pourtant oui j’y ai aimé tant de choses… Aucun sentiment d’insécurité dans les rues le soir alors que le soleil d’été austral commençait à se coucher, et des rencontres surtout avec des Africains attentifs à deux grandes tiges frenchy qui observaient chaque nouveauté avec des yeux pleins de curiosité et d’émerveillement.
J’ai aimé me balader dans les rues colorées de Bo-Kaap, ce joli quartier malais si pittoresque, adossé à la colline de Signal Hill. Ces rues arc-en-ciel audacieuses seraient le théâtre parfait de quelques bloggeuses en quête d’un théâtre hautement « instagramable ». Pourtant il ne faut pas oublier que ces maisons basses abritaient à l’époque de la colonisation hollandaise une communauté d’esclaves et d’exilés politiques issus du Sri Lanka, d’Inde, de la Malaisie, et de l’Indonésie.
J’ai aimé les paysages grandioses et notamment ces plages immenses telles que Camp’s Bay où une douceur de vivre caractéristique d’un bord de mer ensoleillé façon Miami Beach pousse le voyageur à savourer les derniers instants du présent, déjà nostalgique.
Je pense aussi à cette route emblématique en corniche, autant spectaculaire qu’elle est dangereuse, Chapman’s Peak Drive, avec cette voie sinueuse de cent quatorze virages creusée dans la roche le long des falaises. Les vues y sont magiques.
J’ai aimé l’ascension en téléphérique à la Montagne de la Table, une excursion pourtant tellement touristique. Mais le plateau tournant qui offre aux visiteurs un panorama à 360° est bel et bien ingénieux. Une fois là-haut la température baisse sérieusement et le vent qui souffle ne plaisante pas, mais les panoramas sont superbes et on admire toute la ville du Cap depuis les nombreux balcons aménagés autour des petites fleurs endémiques.
J’ai aimé découvrir à l’improviste le Carnaval si coloré et festif des habitants du Cap. Une musique tonitruante de percussions et de cuivres résonnait sur les buildings des grandes avenues de la ville. Costumes flamboyants, fluo voire criards, chaussures bicolores, maquillages colorés et pailletés font presque oublier pourquoi les esclaves noirs devaient attendre le 2 janvier l’accord des Blancs pour fêter la nouvelle année. Ce carnaval exubérant comme un pied de nez à l’oppresseur est encore aujourd’hui largement suivi par des familles entières organisées tels des supporters de foot, et qui campent le long des avenues pour réserver la meilleure place au défilé. La musique est encore de nos jours un mode d’expression, de revendication et de communication fondamental.
J’ai aimé m’attendrir sur les petits ventres ronds des manchots africains du Parc National de Boulders. Comme des funambules maladroits ils marchent les pattes tournées vers l’intérieur tandis que leurs ailes nageoires s’écartent sur leur dos. Penchés au dessus de leurs nids tels des curieux indiscrets les touristes observent cette colonie de bêtes sympathiques s’agglutiner sur la plage de Foxy Beach.
J’ai aimé me perdre dans la végétation luxuriante du Jardin National Botanique de Kirstenbosch. Les fleurs et les arbres endémiques sont un pur ravissement au coucher du soleil quand les rayons orangés magnifient le décor au point de le rendre poétique. Ici des arbres séculaires, là des bosquets en fleurs, une chouette posée sur une branche et par ici la fameuse fleur protéa symbole de l’Afrique du Sud. L’agencement est partout pensé avec intelligence et les ponts à hauteur de la canopée tropicale apportent un nouvel aperçu.
J’ai aimé parcourir la réserve du Cap de Bonne Espérance en observant les familles de babouins et d’autruches au bord de la route pour finalement réaliser cette photo clichée du bout du monde à Cape Point. Une chose est sûre là-bas vous ne sentirez plus le moisi car le vent souffle à y décorner les bœufs, et on perd facilement l’équilibre alors qu’on pose devant ce panneau mythique entouré d’un décor puissamment dramatique. Quoiqu’il en soit c’est un passage obligé qui ne manque pas de nous rappeler combien sont nombreux les navires échoués au large.
Enfin, j’ai aimé cette route des vins à savourer dans un esprit d’art de vivre à la française, même si les réalités historiques, politiques et économiques sont évidemment moins reluisantes que les jolis verres à dégustation. Les grandes demeures blanches situées au cœur de cadres remarquables façon Autant en emporte le vent sont toutes brillantes et luxueuses. On en oublierait presque que l’harmonie de façade cache une autre vérité. Inutile en effet de rappeler que ces riches domaines viticoles se sont édifiés sur la sueur des esclaves noirs au profit des huguenots français exilés après l’Edit de Nantes, et qui se sont vu offrir ici illégalement des terres par les Hollandais qui cherchaient à développer la culture du vin. Néanmoins l’expérience de déguster un cabernet-sauvignon, un sauvignon blanc, un chardonnay, ou le fameux pinotage à dix heures du matin vaut quand même le détour, même si les initiés atteindront bien vite les limites de la comparaison avec les vins français.
En définitivement une destination étonnante qui mérite largement qu’on s’y intéresse et qu’on y revienne pour découvrir tout ce qu’on a laissé de côté en réserve pour le second voyage. Le Cap c’est finalement un immense amphithéâtre où chacun peut y trouver ce qu’il est venu y chercher que ce soit une Histoire, des origines, une culture, une authenticité, du partage, des rencontres, des paysages, des émotions, des expériences, des saveurs, des sourires, bref tout ce qui fait qu’un voyage est unique et nous donne davantage l’envie de découvrir.
Office du tourisme Afrique du Sud
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La saison idéale pour se rendre en Afrique du Sud est pendant l’été austral, à partir du mois de novembre (jusqu’en mars), de quoi vous laissez le temps d’organiser votre voyage d’ici là.
Très bel article et magnifiques photos!
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Bravo Barbara pour cet article culturel et circuit dans la péninsule du Cap! Ça donne envie de repartir en Afrique du Sud !
La photo du Cap de Bonne Espérance est manquante malgré l allusion…
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Merci ma Katia pour ton commentaire 🙂 Tu as raison je vais rajouter prochainement une photo du Cap de Bonne Espérance !
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