Après une première découverte du tant attendu Musée Yves Saint Laurent à son ouverture l’an dernier, me revoilà avenue Marceau pour découvrir la nouvelle exposition du Musée. Une amie de passage à Paris me réclame en effet une exposition de mode alors quoi de plus efficace que le Palais Galliera ou le Musée YSL. Le premier n’ayant aucune programmation en cours, direction l’ancienne maison de couture du maître pour découvrir la nouvelle thématique proposée depuis le 02 octobre 2018 : L’Asie rêvée d’Yves Saint Laurent.
Un voyage exotique à travers des modèles haute couture
L’exposition présente une cinquantaine de modèles librement inspirés de l’Asie. L’Inde, la Chine, le Japon, voici des noms magiques qui transportent le voyageur, l’invitent à s’évader dans des contrées lointaines, à vivre une expérience, à rêver d’exotisme, à vivre des émotions, et Yves Saint Laurent n’y faisait pas exception : « Il me suffit d’un livre d’images pour que mon esprit se fonde dans un lieu, ou un paysage. (…) Je n’éprouve aucun besoin de m’y rendre. J’en ai tellement rêvé… » Il savait alors comment utiliser des coutumes, un folklore, des paysages pour en extraire les éléments phares, les revisiter et en proposer sa propre représentation.
Les manteaux précieux des Maharajahs, les kimonos japonais en soie, les chapeaux coniques traditionnels chinois, toutes ces traditions vestimentaires ont inspiré Yves Saint Laurent qui les a revisitées pour les sublimer. Les boutons de passementerie, les velours de soie, les épaules en fourrure, les étoffes précieuses de damassés, les motifs floraux, les saris et les boléros brodés de perles et de pierres, et puis les couleurs vives comme l’indigo, le curcuma, le rouge vif, l’or, l’orange flamme, et le violet participent évidemment à la préciosité des modèles, mais aussi à leur identité asiatique forte.
La naissance de la sulfureuse fragrance Opium
Un an après sa collection chinoise de 1977, Yves Saint Laurent lance à New-York son nouveau parfum, Opium, qui déclenche immédiatement un scandale entre désir et intrigue, la communauté des Chinois américains et l’organisation de lutte antidrogues dénonçant dans ce nom une provocation diplomatique. De plus la campagne de publicité, la photographie d’Helmut Newton et le slogan de l’agence MAFIA « Opium, pour celles qui s’adonnent à Yves Saint Laurent » rajoutent encore au vent de contestations.
Comme pour toutes ses créations le couturier s’investit énormément dans toutes les étapes de l’élaboration, du choix du flacon jusqu’aux textes du dossier de presse. Ci-dessous, quelques écrits poétiques rédigés par Yves Saint Laurent lui-même. Le résultat est un parfum capiteux, chargé, de caractère, troublant, devenu culte, et qui dès son lancement suscite le désir, provocant un vent de succès. A ce jour Opium fait partie des plus grands succès de l’histoire de la parfumerie.
Parfum de noces du réel et de l’irréel.
Si j’ai choisi Opium comme nom de CE PARFUM c’est que…
L’AMOUR FOU
LE COUP DE FOUDRE
L’EXTASE FATALE
Lorsqu’un homme et une femme se regardent pour la première fois.
Dossier
Si Opium parvenait par le flux et le reflux de ses essences à donner à chaque femme le pouvoir d’YSEULT sur TRISTAN, et tisser jour après jour, nuit après nuit, les nœuds et les courroies de leur amour éternel, alors modeste magicien je pourrais un instant me reposer HEUREUX, reprendre mon souffle, pour escalader à nouveau le mur de mon imaginaire et repartir enfin à la poursuite de ses fragilités éphémères, mais si nécessaires pour tenter de livrer un fois de plus, LE SUBTIL SECRET DES ARTIFICES DE LA FEMINITE qui galvanisera SA BEAUTE, la protégera et la mènera jusqu’au bout de SA VERITE.
En définitive une exposition agréable, assez bien documentée et habilement complétée par des objets d’art issus du Musée des Arts Asiatiques de Paris, le Musée Guimet. Le visiteur est donc baigné dans une atmosphère, un décor qui devaient habiter les rêves du grand couturier. On apprécie tout particulièrement le chapitre sur le parfum Opium entre croquis, écrits, planches d’inspiration et vidéos qui présentent au visiteur la surface du bouillonnement créatif qui devait atteindre son apogée dans le Studio du maître, le fameux bureau d’Yves Saint Laurent encore ouvert au public. Et au final on ressort avenue Marceau moins déçu que l’an dernier, sans doute parce que nos aspirations et nos attentes étaient aussi moins hautes.
L’Asie rêvée d’Yves Saint Laurent
5, avenue Marceau
75116 Paris
Tel. 01 44 31 64 00