Flash Actu : Au revoir Monsieur Léo

Vous croyez à la magie du vendredi 13 ? Pour la plupart d’entre nous ce jour évoque la superstition et le malheur qui collent au chiffre maudit, ou alors tout au contraire à la chance qu’il peut générer côté Loto. Et bien faute d’avoir tenté ma chance aux jeux d’argent, j’ai pourtant gagné le gros lot, et en me levant ce vendredi je n’imaginais pas que cette journée pourrait m’offrir une belle surprise.

Un mystérieux contact

Retour en arrière il y a deux semaines. Je reçois parmi mon courrier indésirable un email étrange d’un certain Matthew Rose qui m’annonce que « Léo est mort ». Mais qui est Léo? Je pense tout d’abord à un email pirate, et par prudence je le supprime. Mais ce M. Rose persévère et dépose quelques jours plus tard un commentaire sur mon blog, rattaché à l’article Un capharnaüm de librairie. Et là oh mon dieu, tilt. Jacques Léobold est mort!! Quelle tristesse. On échange quelques mails avec ce mystérieux informateur et on convient de se rencontrer pour boire un verre vendredi 13. Rendez-vous est donné devant la librairie Alias.

Une rencontre insolite

La façade est délabrée. Les vitres sont masquées par des panneaux de bois et un mot manuscrit trône sur la porte d’entrée pour annoncer qu’un pic-nic se tiendra ce dimanche sur les quais de Seine en hommage à Léo. Sa photo est là aussi. Il est parmi ses livres. J’ai eu de la chance de rencontrer ce personnage insolite. Un monsieur s’arrête à côté de moi pour observer la vitrine et faire des photos. Il connaissait le libraire. Il est son voisin d’en face. Il parait que les dessins sont de Jean-Charles de Castelbajac qui habite pas loin.

On m’appelle. Je me retourne. Cheveux blancs sous une casquette, lunettes de vue au cordon, chemise en velours par dessus un T-shirt blanc et jean bleu. Matthew Rose est américain. Artiste américain pour être précise. De New-York. Il a 58 ans. Il crée des peintures et des collages. Il est aussi critique d’art. Il habite le quartier depuis vingt-cinq ans et connaissait Léo.

Un verre en hommage à Monsieur Léo

Je lui propose de boire un verre pour discuter de Léo. Matthew lui achetait des vieux livres pour créer ses oeuvres. Il m’explique qu’il est mort il y a deux semaines. Il s’est rendu à la cérémonie. Il va lui rendre hommage grâce à un article qu’il a écrit et qui sera publié ce mercredi sur The Art Blog. On discute de ce lieu atypique où le libraire s’est fait manger par ses livres. Alias ressemblait plus à un bazar qu’à une librairie. Un « mess » comme dit Matthew. Et cette drôle de façon d’empiler les bouquins les uns sur les autres pour en faire des colonnes, bâtir des murs entre sa passion et le reste du monde.

Matthew prend une bière, moi un verre de vin blanc. Il alpague des amis qui passent dans la rue, dont Victor Matussière, un photographe qui lui aussi connaissait Léo. Puis quelques minutes plus tard, une Nadine se joint à la conversation. C’est un petit monde le quatorzième. On trinque en hommage à Léo et chacun y va de son anecdote.

Personne ne sait pourquoi il achetait tant de livres. Il en avait des milliers, parfois en double ou en triple qu’il entreposait chez Alias, dans de nombreux entrepôts, et dans le coffre de son break. Une maladie. Posséder et tout garder. Accumuler. Conserver. Ne rien jeter. Enfin si parfois il donnait quelques livres qu’il laissait sur le trottoir avec la mention « Servez-vous ». Il buvait beaucoup de vin rouge, n’importe lequel, c’était un bon vivant. Il ouvrait sa librairie tous les matins, mais comme spécifié sur la porte d’entrée : « Jamais avant 11h ». Il parlait souvent à Matthew de ce carton de New-York. Cinquante kilos de cartons d’invitations des années 80 d’inaugurations d’expos dans des galeries d’art américaines : « Rose, tes cartons d’invitation, ça m’intéresse! »

Léo avait deux enfants. Une compagne, Sylva. Il est mort à 76 ans. On ignore de quoi. Certains parlent de cancer, mais Nadine pense que la fin de son bail et l’obligation de vider sa librairie ont eu raison de sa santé. Que vont devenir ses milliers de livres? Il parait que sa famille va créer une fondation à son nom. Ca serait le plus bel hommage à sa librairie Alias parce que comme le dit Victor : « Cette librairie c’était son jardin d’enfant ». Un cocon. Il y a quelques jours le livre s’est refermé. Au revoir Monsieur Léo.

J’ai toujours imaginé le paradis comme une sorte de bibliothèque.

Jorge Luis Borges

***

Librairie Alias

21, rue Boulard

75014 Paris

***

Pour poursuivre votre découverte, je vous invite à lire l’article de Matthew Rose sur The Art Blog.

 

 

 

 

 

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2 thoughts on “Flash Actu : Au revoir Monsieur Léo

  1. Un monument du livre. Quelle perte ! Je regrette de n’avoir pu l’accompagner pour le voyage. Quel vide vous laissez, léo….

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