La mode est un éternel recommencement, et le vêtement un véritable code social, un marqueur identitaire et sexuel, un moyen de s’effacer, de se faire accepter, mais aussi de s’affirmer, de choquer, de revendiquer. Pourquoi le vêtement fait-il scandale ? Parce qu’il est trop court, trop large, trop coloré, trop décolleté, trop excentrique, trop transparent, trop long. Trop c’est trop !!
Les normes historiques de la toilette sont-elles sexistes?
Dans le savoir-être il y a le savoir-porter. Et il y a surtout des conventions et des règles à respecter.
Au XVIe siècle le roi Henri II précise que les draps d’or et d’argent sont réservés aux princes, tandis que la soie l’est aux nobles. Mais la loi précise surtout que les femmes peuvent être condamnées pour travestissement si elles portent un attribut masculin comme un chapeau de feutre, symbole fort de l’autorité masculine. D’ailleurs la longueur de la traîne de la robe est associé au rang de la dame qui se change jusqu’à huit fois par jour en fonction des moments et activités de la journée : robe de chambre, robe de promenade, robe de dîner, robe de bal, etc…
Au XIXe siècle la veuve doit porter le deuil un an et six semaines très précisément, et elle doit se vêtir en laine et drap noir. La soie n’est tolérée qu’au bout de six mois, et les dentelles et les broderies seulement à la fin du dueil. La richesse de sa toilette est un hommage à son défunt mari qui même après la mort force le respect des homologues de son rang.
Ainsi, au delà des codes sociétaux, la femme reste le sujet d’une inégalité flagrante. D’ailleurs la Bible leur interdit le port de vêtement d’homme (Deuteronome, XXII, 5) notamment parce qu’il semblerait que revêtir des vêtements masculins leur donne accès à un état et des activités auxquelles elles n’auraient pu prétendre. Quelle injustice !
Les mentalités modernes ont-elles évolué ?
Evidemment on ne peut ignorer que la fin du corset et l’apparition du tailleur pantalon dans la haute couture ont ouvert la voie à plus de souplesse dans la garde-robe féminine. De la même manière, la révolution de mai 68 et la revendication des minijupes ont participé à l’émancipation des femmes.
Mais la bataille a été longue quand on sait qu’à partir de 1948 le bikini est interdit sur les plages de France par des arrêtés municipaux. Enfin plus proche de nous, en juillet 2012, la robe à fleurs de Cécile Duflot jugée « trop féminine » lui vaut les sifflets masculins de l’Assemblée Nationale. Pitoyable !
Enfin, rappelons que la loi de 1800 interdisant le port du pantalon pour les femmes n’a été abrogée qu’en 2013. Cette loi précisait que « Toute femme désirant s’habiller en homme doit se présenter à la Préfecture de police pour en obtenir l’autorisation ». Incroyable !!
Le vêtement fait donc scandale, et les exemples sont nombreux. Il y a des codes à respecter en fonction des lieux, des activités, des événements, mais aussi en fonction de l’âge. Par exemple on ne portera pas un jean troué façon « meute de loups » en entreprise, ni un décolleté plongeant à la messe, et encore moins une minijupe à 70 ans. De la même façon, on n’ira pas en escarpins faire du footing, ni déjeuner dans sa belle-famille en cuissardes, et encore moins passer un entretien d’embauche en jogging-baskets. Bon, donc au delà de l’affirmation de soi ou d’une revendication quelconque, chacun doit respecter les codes et règles qui encadrent notre société.
En bref un sujet définitivement moderne et bien mis en valeur par une scénographie judicieuse. Une exposition bien documentée avec des supports très variés qui rythment la découverte. Chacun s’amuse de son commentaire devant telle ou telle vitrine et certains redécouvrent même des modes suivies il y a quelques années. Encore une fois le Musée des Arts Décos est dans l’air du temps car intelligemment il pose aussi la question de la tolérance quand il est question de religion, de culture et de nudité : certains hommes portent bien des jupes (kilt, caftan, sarong, djellaba), et certaines femmes se couvrent. D’ailleurs selon le docteur Desessartz en 1798 : » le costume de nudité flétrit rapidement les appâts les plus frais. L’empire de la beauté s’évanouit parce qu’elle est trop montrée« .
Musée des Arts Décoratifs
107, rue de Rivoli
75001 Paris
Tél. : 01 44 55 57 50