C’est un endroit à priori un peu désuet et qui manque de modernité. On l’imagine plein d’experts à lunettes et d’antiquités poussiéreuses. Pourtant il intrigue les plus sceptiques autant qu’il fascine les passionnés, les joueurs et les curieux. De quoi parle-t-on? De l’hôtel Drouot à Paris, le cœur des ventes aux enchères. C’est un lieu privilégié pour tous les amoureux d’art et d’objets anciens. Je m’y suis rendue à plusieurs reprises ces dernières semaines et je me suis régalée.
Bienvenue à Drouot
De l’extérieur c’est un grand bâtiment contemporain situé au milieu des banques, des boutiques d’antiquaires, des cabinets d’experts, et des galeries d’art aux collections privées. A l’intérieur, un hall moderne et froid dessert seize salles de ventes sur plusieurs étages. Le grand public l’ignore mais Drouot est ouvert à tous et même les néophytes peuvent acheter. Il suffit simplement de venir avec pièce d’identité et carte bancaire pour s’enregistrer à l’accueil. On obtient alors le carton numéroté, précieux sésame de l’acheteur impatient. Puis à l’ouverture des salles, le public prend place, le commissaire-priseur introduit la vente et les enchères commencent.
Les enchères, une vraie pièce de théâtre
Perché sur son estrade, le commissaire priseur dirige la vente assisté de son clerc et du crieur. Le premier prépare la vente, renseigne et prend les ordres d’achat pendant l’exposition. Le second circule dans le public pendant la vente et crie les enchères pour dynamiser l’opération; il récupère aussi l’identité des acheteurs en contre-partie d’une étiquette remise pour paiement. Puis il y a aussi ce que j’aime appeler le « banc des mandatés » : pendus au téléphone et scotchés à leur ordinateur ils représentent physiquement des acheteurs absents qui surenchérissent par téléphone. Il peut s’agir de particuliers, de professionnels, d’entreprises, de musées internationaux, etc… Enfin, les garçons en tablier présentent les pièces les unes après les autres. Et dans la salle le public, aussi hétérogène qu’on peut l’imaginer. Certains jouent leur rôle du jour et c’est étonnant. Il y a les connaisseurs passionnés et discrets en fond de salle, les bourgeois chics et hautains, les spectateurs assis qui n’achètent pas, beaucoup de couples aux cheveux gris, un gros mafieux au cigare, et un pauvre type vêtu chichement qui sort pourtant une liasse de billet. Et tout ce petit monde s’anime, et s’observe discrètement. Un écran permet d’ailleurs de suivre le montant des enchères suivant les différentes monnaies mondiales. Il est bien question d’argent dans cette pièce de théâtre et parfois les prix s’envolent. Le mieux que j’aie vu : un buste en marbre de Colbert, trésor national classé monument historique, acheté 2 950 000 €. Ça calme!
Plaque tournante du marché de l’art en France, Drouot fait partie des visites insolites dont Paris regorge. Pourtant il faudrait désacraliser l’hôtel des ventes en modifiant sa communication car c’est un espace certes mythique mais aussi ludique et sympathique. Pour certains venir à Drouot c’est un art de vivre où chiner du beau. Pour d’autres c’est un lieu d’échanges et de vie pour partager et négocier. Pour moi c’est un spectacle gratuit qui m’amuse et où je m’émerveille des pièces d’art et d’histoire. Enfin, selon le décorateur Jacques Garcia : « À Drouot, l’émotion est dans tous les instants et dans toutes les salles. J’ai cette impression, vraiment exaltante, d’être un vrai découvreur, d’acheter des chefs-d’œuvre que les autres n’ont pas vus. »
9, rue Drouot
75009 Paris
Tel. 01 48 00 20 20