L’Amour selon Fragonard

L’Amour avec un grand A a toujours inspiré les artistes. Écrivains, peintres, sculpteurs, musiciens et danseurs ont tous tenté d’exprimer dans leurs œuvres l’Amour passionné, platonique, familial, et religieux. Le peintre Jean-Honoré Fragonard est de ceux là mais il proposait autre vision de l’amour à mi-chemin entre romantisme et grivoiserie. Actuellement au Musée du Luxembourg, l’exposition de ses toiles offre une belle visite pleine de fraicheur et de légèreté.

L'Aurore triomphant de la Nuit, Jean-Honoré Fragonard, huile sur toile vers 1755-1756

Au XVIIIe siècle Fragonard s’inspire de l’amour romantique. Les sentiments amoureux sont idéalisés, mis en scène pour glorifier les états d’âmes et ils l’emportent largement sur la raison, illustrant parfaitement la citation des Pensées de Pascal au XVIIe siècle : « le cœur a ses raisons que la raison ignore ». L’amour romantique empreint de sublime, de rêve, et de mystère, se déploie dans la galanterie pastorale des bergers qui séduisent leurs belles dans des scènes champêtres lumineuses et sensibles. Ces amours villageoises sont tendres, sincères, respectueuses et discrètes.

Mais vers 1750 l’amour selon Fragonard prend une toute autre dimension. Les thèmes mythologiques des amours libérées des dieux permettent aux mortels de justifier leurs attitudes car si même les dieux s’inclinent, comment un homme pourrait résister à la quête hédoniste du plaisir charnel? Et puis dans les salons, les boudoirs et les bordels, la sensualité des corps est magnifiée et la liberté sexuelle s’affiche. Le contenu érotique de certaines toiles contraste avec l’idée du romantisme élégant : les soirées libertines aux courtisanes, l’amant découvert dans le placard, ou le mari adultère avec la servante sont donc autant de sujets de prédilection pour Fragonard. Et même si certains s’offusquent, l’artiste rend le spectateur complice des scènes car en les observant il devient « voyeur ». D’ailleurs on se targue à l’époque de posséder une toile Fragonard même si on la cache comme un secret pour ne la découvrir qu’à ses amis. Mais l’apogée de ces pratiques grivoises qui s’illustre par la parution en 1782 du célèbre roman épistolaire Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos éteint la fougue sexuelle du XVIIIe siècle. On assiste alors au retour de tableaux illustrant un amour sincère qui redonne ses lettres de noblesse à la morale amoureuse, à la fidélité et à la promesse du mariage.

L'instant désiré, Jean-Honoré Fragonard, huile sur toile vers 1770

Au sortir de cette exposition, on réalise que rien n’a changé au fil des siècles puisque l’Amour oscille toujours entre sincérité, romantisme, fidélité, engagement et libertinage, adultère et mensonge. Le corps féminin, objet de tous les désirs était et est toujours sujet aux violences et le célèbre tableau Le Verrou illustrerait d’ailleurs un viol. Mais dans la mise en scène de ces thèmes Fragonard nous émerveille car les peaux diaphanes, blanches et fraiches, parfois tendres, couleur rose poudré, s’illuminent de manière divine sous son pinceau. Tiraillé entre les préoccupations esthétiques et morales l’artiste nous transmet toute la dimension artistique de l’Amour du siècle des Lumières.

Le Verrou, Jean-Honoré Fragonard, huile sur toile vers 1777-1778

Exposition Fragonard amoureux, galant et libertin

Musée du Luxembourg

19, rue de Vaugirard

75006 Paris

Tel. : 01 40 13 62 00

 

 

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2 thoughts on “L’Amour selon Fragonard

  1. Sur les clichés, la lumière qui se dégage de cette peinture permet de visualiser la profondeur de chaque toile, c’est magnifique !

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