A l’heure où la Grèce agite les débats politiques et rythme les journaux télévisés, j’ai plutôt envie de vous raconter sa gloire passée grâce à l’un de ses vestiges récemment rénové. Déesse ailée chef d’œuvre de l’Antiquité grecque, la Victoire de Samothrace est une sculpture du IIe siècle avant J.-C. qui représente la proue d’un navire et qui fascine tant par sa beauté que par ses mystères. Une minuscule exposition lui est consacrée au Musée du Louvre pour relater l’histoire de sa découverte, expliquer sa signification et ses rénovations.
Elle fut découverte au XIXe siècle sur l’île de Samothrace, au nord de la mer Egée, par le français Charles Champoiseau, alors Vice-consul sous le règne de Napoléon III. La Victoire y était ensevelie parmi les ruines du Sanctuaire des Grands Dieux, un lieu de pèlerinage antique. Rapportée à Paris en morceaux puis remontée, la belle inconnue fit sensation. On embellit d’ailleurs l’escalier Daru au Louvre précisément pour elle selon l’esthétique de l’époque avec des mosaïques et des fresques. Plus tard le courant Art Déco déshabilla l’escalier de ses artifices pour retrouver sobriété et grandeur afin que seule la statue soit l’objet de tous les regards. A cette occasion les décors muraux furent recouverts d’un papier peint imitant la pierre, et les escaliers élargis et repoussés afin d’agrandir la perspective. En l’observant avec attention, j’aperçois en effet en transparence les décors d’origine. Saisissant.
Les Grecs érigeaient des statues pour rendre hommage à leurs dieux ou célébrer une victoire. C’est le cas ici avec la bataille navale éponyme qui opposa la Macédoine à l’île de Rhodes. C’est la seule chose presque avérée car tout le reste est encore un mystère : même si les archéologues déclarent qu’elle devait souffler dans une trompette antique, la belle inconnue a été retrouvée sans tête ni bras poussant chacun à imaginer son visage et son attitude. Et puis qui est son créateur ? Aucune signature ne figure sur le marbre. Selon moi toutes ces énigmes sont la raison pour laquelle la Victoire captive et émerveille autant.
Quant à son dernier coup de frais, il aura duré dix longs mois. Les radios réalisées ont révélé des fragilités à réparer et on a pu décider les raccords et les joints à effectuer. Il a aussi fallu tenter de récupérer les couleurs des marbres d’origine ; aujourd’hui le marbre blanc de Paros de la statue et le marbre gris de Rhodes du navire ont recouvré tout leur éclat. Et grâce aux nouvelles technologies on a découvert les restes d’un bleu antique invisible à l’œil nu : la Victoire était donc peinte, incroyable! Enfin, l’escalier Daru a également subi un petit rafraichissement.
Direction le Louvre donc pour parcourir cette petite exposition assez bien faite pour comprendre toute l’ampleur de ce chef d’œuvre fascinant : entre les photographies des expéditions des fouilles, les moulages et les vidéos on découvre les différentes étapes de sa vie en passant par ses rénovations jusqu’à aujourd’hui. Manque plus que sa naissance, mais là chacun laissera son imagination déborder. Ce qui est certain, c’est que plus que jamais aujourd’hui vous monterez les marches de l’escalier Daru le nez en l’air pour admirer son attitude altière, impériale. Précision : placez-vous à sa gauche de trois quarts, c’est l’angle de vue à privilégier pour admirer son élan, sa majesté, sa force et la beauté de son drapé.
La Victoire de Samothrace, Redécouvrir un chef d’œuvre
Musée du Louvre
75058 Paris
Tel. 01 40 20 53 17