Luchini, Wilson & Molière, un trio génial

Dès que j’ai vu placardée dans tout Paris l’affiche du film Alceste à bicyclette, je me suis dit : « le jour de sa sortie j’y fonce ! » Ce film on y va pour deux raisons principales : tout d’abord on a envie de découvrir le duo de choc Fabrice Luchini / Lambert Wilson car on se dit que le potentiel talent risque bien de crever l’écran ; puis on y va aussi parce qu’on souhaite redécouvrir la langue de Molière. Et finalement on se rend compte que le film n’a pas vocation à parler de théâtre, c’est tout autre chose et c’est dans ça que l’idée du film est géniale.

Le propos : Déçu des gens en qui il avait confiance et fatigué des vices du métier, Serge (Fabrice Luchini) est un comédien de talent qui s’est retiré dans sa maison de campagne pour s’isoler ; il ne joue plus depuis quelques années. Gauthier (Lambert Wilson), un acteur de série télé qui a le vent en poupe est en train de monter un projet de théâtre pour jouer Le Misanthrope de Molière ; il cherche à convaincre Serge de remonter sur les planches.

Alors que le grand public croît encore que le plus difficile dans la comédie c’est de mémoriser un texte en alexandrins, en réalité il est bien plus question d’interprétation. Et pour y parvenir il faut comprendre la psychologie des personnages. Bien plus qu’un simple film sur un projet de théâtre, le scénario aborde savamment la vie des acteurs, leur égo, leur carrière, leur opinion de la vie, leur angoisse aussi du temps qui passe… bref, tout ce patatras délicat et secret qui les rend à la fois si proche et si différent de nous, pauvres anonymes. De plus, loin de l’ambiance estivale bourgeoise on aime ici le décor à huis clos de l’île de Ré à la morte saison avec ses chemins solitaires, ses ruelles pittoresques pleines de charme et ses plages immenses vivifiantes au parfum d’iode.Duo Luchini et Wilson en répétition

Mais peut-on dire que ce film a trait à parler d’amitié ? Pas exactement car on se demande s’il n’est pas plus question de jalousie. Très subtilement distillé dans les scènes du duo Luchini / Wilson, ce défaut rend tout beaucoup plus complexe qu’il n’y parait tout d’abord. On devine que Gauthier est plein d’admiration pour le talent et la carrière de Serge, c’est d’ailleurs sans doute pour se rassurer qu’il fait la démarche de convaincre ce dernier de remonter sur les planches à ses côtés car il souhaite enfin être reconnu par ses pairs du théâtre. Serge quant à lui, et même s’il soutient le contraire, est nostalgique de son succès passé, une chose dont jouit aujourd’hui Gauthier car sa série télévisée suivie du public lui permet d’acquérir une certaine notoriété. Pour Serge cette proposition du Misanthrope est vraiment trop tentante alors avant de prendre sa décision il impose plusieurs jours de répétition à Gauthier pendant lesquels il va remettre en question les compétences de son collègue. Enfin, Gauthier est séduisant, et alors même que Serge lui reconnaît son charisme une femme va s’immiscer entre eux deux et l’issu apportera certainement le coup de grâce à leur relation.

Alors que le film débute sur un sentiment d’envie qui va progressivement évoluer vers une jalousie grandissante pour se transformer en rivalité puis en vengeance, le fond de l’histoire tourne autour de cette épineuse répartition des rôles. Qui va jouer le premier rôle d’Alceste ? Pas facile de se satisfaire du hasard d’une pièce de monnaie pour tout justifier car les égos sont trop grands. Alors derrière la passion commune du métier, le bonheur de se retrouver et le plaisir des répétitions, les faux-semblants et l’hypocrisie ne sont pas bien loin. Gauthier pense que les comédiens sont là pour donner des émotions mais Serge brillant acteur refuse d’avouer les siennes. Et c’est à travers les lignes de Molière que la véritable personnalité des comédiens va se révéler. C’est ça l’idée géniale du film ! Chacun à sa manière et à tour de rôle ressemble à Alceste ou parfois à Philinte… les personnages de Molière deviennent des traits de caractère incarnés en Serge et Gauthier.Duo Luchini et Wilson dans Alceste à bicyclette

En définitive la vision du métier est féroce mais le spectateur prend énormément de plaisir à voir ce tandem répéter le ton et la diction des vers de Molière. Et bien que les mots soient puissants et que les reproches percutants fusent parmi les alexandrins on ne souffre d’aucune indigestion de tirades. Ce duo qui se transforme peu à peu en duel est juste et intelligent, et alors que certains affirment que Le Misanthrope de Molière s’en trouve dépoussiéré, moi je pense qu’il n’a au contraire pas pris une ride car il est plus que jamais à l’image des défauts et des qualités de la nature humaine!

Fabrice Luchini

Alceste à Bicyclette, de Philippe Le Guay

Avec Fabrice Luchini, Lambert Wilson, Maya Sansa…

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5 thoughts on “Luchini, Wilson & Molière, un trio génial

  1. Luchini est absolument génialissime!! Il est à la fois brillant, passionné et excessif. C’est vraiment un ovni dans le paysage artistique français et j’adore le voir au théâtre. Et puis face à lui dans ce film Wilson lui donne la réplique et il est charismatique, il y a comme une aura qui s’en dégage, une présence. Alors en plus avec les vers de Molière le résultat est super.

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  2. Avez-vous vu le dernier twitt de Bernard Pivot (je pose la question tout en sachant la réponse…)? Et bien il écrit « Alceste à bicyclette » est un film enchanteur, fin, drôle, d’esprit très français. Molière m’a dit qu’il l’apprécie beaucoup. » A MÉDITER DONC…

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