La couture mise en peinture

Une fois passée la longue file d’attente à l’extérieur du Musée d’Orsay, vous pourrez certainement la refaire à l’intérieur juste à  l’entrée de l’exposition. Eh oui c’est ça le revers du succès, et puis surtout nous entamons les derniers jours de LImpressionnisme et la Mode avant que toute la collection ne s’envole pour New York puis Chicago. Mais ne vous découragez pas face à la foule car c’est vraiment un fabuleux parcours qui rassemble « pinceaux de peinture et ciseaux haute couture » !

Dès la première salle on découvre des vitrines pleines de ces gravures de mode en noir en blanc que l’on peut acheter facilement auprès des bouquinistes des bords de Seine à Paris. Quelques accessoires fascinants sont aussi à remarquer comme des éventails dont les pliages de papier se dévoilent sous les armatures en nacre, et puis par ici un petit sac en cuir dont la serrure semble renfermer quelque secret, ou par là un curieux carnet de bal où une jeune fille aura noté avec application les danses qu’elle réservait à ses cavaliers de bal.

Cette exposition met très habilement en regard la mode française du XIXe siècle et le courant artistique des impressionnistes. Aussi à l’image du tableau Dans la serre de Bartholomé, le spectateur peut admirer la robe peinte et l’originale sur un mannequin, les deux présentées côte à côte (dommage que ça ne soit que la seule correspondance exacte de l’exposition). Je remarque aussitôt que cette femme devait être bien petite (environ un mètre soixante), puis ce qui me frappe ensuite et presque immédiatement c’est l’étroitesse du tour de taille (environ cinquante centimètres). Je me penche alors derrière la vitrine pour m’assurer que des épingles serrent bien le vêtement mais il n’en est rien : les femmes avaient vraiment une taille de guêpe.Dans la serre de Bartholomé

Ici le parcours est très didactique et la peinture laisse entièrement la place à la mode et à ses significations. Les thèmes permettent de mesurer tous les rôles du vêtement : à l’époque la femme s’habille pour affirmer son rang social, elle se pare pour voir et être vue, et elle s’embellit pour séduire. Ainsi les tableaux ne sont étudiés que pour mettre en lumière un détail que le spectateur n’aurait pas remarqué. Par exemple l’analyse du tableau Le Balcon de Manet nous évoque les vives critiques à sa présentation en 1869 car l’une des deux femmes présente à la vue de tous est en tenue d’intérieur : elle est « en cheveux », la transparence des tissus souligne sa peau et ses mains sont nues.

En traversant les différentes salles, on apprend qu’au XIXe siècle la femme peut porter jusqu’à six tenues en fonction de chaque séquence de la journée et de la circonstance : il y a la tenue du lever, puis la tenue sobre de la matinée, celle de l’après-midi, celle de visite ou de théâtre, celle du dîner, et enfin celle de bal. On découvre alors les merveilles de chapeaux, les escarpins de cuir et puis les robes, toujours les robes (mais quel dommage que les photos soient interdites alors que toutes les pièces de la collection sont sous vitrine !). La tenue du dandy n’est pas oubliée, mais je dois bien avouer qu’on y passe moins de temps car les tissus paraissent bien ternes à côté des coquetteries féminines. Et c’est d’ailleurs le but : les hommes ne devaient pas faire d’ombre aux toilettes des dames que l’on devait remarquer car leur beauté souligne aussi au passage le pouvoir et la fortune de leur mari.Robes de parisiennes, XIXe siècle

Alors si vous trouvez que la parisienne de l’époque avait une classe inégalée, et si vous êtes plein d’admiration pour le coup de pinceau lumineux des peintres, courez voir ce ravissement de souvenirs historiques qui ne sont les témoins du talent et de l’excellence cocorico !

Un grand bravo aussi pour la scénographie de Robert Carsen qui est vraiment originale et très aboutie. Depuis la première salle qui plante le décor et délivre l’information, on déambule ensuite dans une salle dont les tableaux impressionnistes sont accrochés à des murs-miroirs ; et si l’on s’assoit sur l’une des chaises marquées du nom d’un invité de haut-rang (pour la plupart des aristocrates aux noms ronflants), on croirait assister à un  défilé de mode, très amusant. La quatrième salle présente trois robes sur mannequin dont on peut admirer le détail dans les miroirs qui leur sont accolés, astucieux. Enfin la dernière salle est une véritable promenade de printemps : tout a été pensé comme dans un parc avec herbe verdoyante, ciel bleu, chant des oiseaux et bancs de jardin. Une vraie bouffée d’oxygène, c’est frais et on s’y sent bien !

Mes coups de cœur peinture ? De grands classiques comme La balançoire de Renoir, La femme au chapeau noir de Manet, Femmes au jardin de Monet, et deux belles découvertes avec Octobre de Tissot et Rolla de Gervex, magnifiques !!

Rolla d'Henri Gervex

N.B.

Attention je n’oublie pas nos plumes talentueuses comme Stéphane Mallarmé qui écrit dans La Modernité de la Mode (1874) : Ce qui doit être le plus soigné, certes, dans une toilette de femme, c’est la bottine, et c’est les gants : puis vient le chapeau, dont le seul devoir est toujours d’être charmant. Vérités que je n’ai plus à prouver : petit pied et main fine, la main eût-elle, autrefois, cueillie les raisins, le pied les eût-il foulés à l’heure maintenant revenue de la vendange, sont les indices certains de race. Mais, des extrémités de duchesse mal chaussées et mal gantées ne pourront, ce pied, se cambrer ni montrer la noblesse de ses attaches; non plus que cette main même se faire voir nue.

Gravures de mode parisienne

L’Impressionnisme et la Mode

Musée d’Orsay

1, rue de la Légion d’Honneur

75007 Paris

Tel. 01 40 49 48 14

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2 thoughts on “La couture mise en peinture

  1. Quel Talent ! Comme à ton habitude, tes descriptions très précises nous donnent presque l’impression d’y avoir assisté avec toi (je pourrais me la péter à des dîners mondains…ah bah je n’en fais pas…bon bah je pourrais me la péter tout court!!) Vraiment intéressant. Merci pour la mention « devait être toute petite – genre 1,60m » LOL Par contre, je me demande quelles étaient leurs habitudes alimentaires pour avoir la taille si fine gloups. Signé: « Ta première fan qui dégaine le coms plus vite que son ombre!! » 😉

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  2. Je n’ai même pas encore eu le temps de vérifier la mise en ligne que tu as déjà dégainé oui! Merci pour ta fidélité et désolée pour le tout petit 1,60 m, mais moi je mesure quand même 16 cm de plus alors ça me parait « petit »… mais tu sais ce qu’on dit: « ce qui est petit est mignon ». Je rattrape bien le coup là? LOL
    Juste une chose que je voulais rajouter à ce sujet :
    Aujourd’hui on me demande souvent pourquoi je porte des talons hauts alors que je suis déjà grande. Et bien je suis persuadée qu’à la Belle époque la question ne m’aurait pas été posée (étant évident qu’ils me permettent d’acquérir une certaine démarche, une confiance). Pour établir la comparaison : autrefois le corset porté sous une robe donnait à la femme une tenue, un port élégant et affirmé, une allure, tandis que la canne, l’ombrelle ou le parapluie procuraient simplement un complément, une contenance.

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