L’habit ne fait pas le moine!

Jusqu’au 14 octobre à Paris, l’exposition « L’étoffe de la modernité » présente le costume de scène à l’Opéra de Paris au XXe siècle. Dans le magnifique Opéra Garnier, le visiteur est invité à déambuler sur trois étages dans ce « théâtre-chef-d’œuvre » pour découvrir les créations de grands artistes et couturiers dont la renommée n’est plus à faire. Passionnée de théâtre, d’opéra et de ballets, cette exposition m’est toute entière destinée pour découvrir les coulisses des plus beaux costumes.

Malgré les touristes et leurs appareils photos, je parviens à me frayer un chemin pour me faire encore surprendre par la beauté des lieux. Bien que ce ne soit pas ma première visite, je suis scotchée de me rendre compte à quel point l’Opéra Garnier est un écrin sublime, le joyau scintillant des opéras nationaux. Comme une boîte à bijoux, il s’ouvre délicatement pour révéler ses merveilles et capte définitivement tous les regards émerveillés. Son pouvoir d’attraction est tel qu’il fait de l’ombre au moindre monument voisin, la Madeleine par exemple semble bien fade à côté… et justement, l’exposition des costumes souffre de la même incapacité à nous séduire.En effet, la présentation de l’exposition sur le site de l’opéra est nettement en décalage avec la réalité: on nous parle d’une passion pour le costume de théâtre en nous révélant qu’à la fin du XIXe siècle les ateliers de l’Opéra de Paris étaient célèbres dans toute l’Europe pour leur savoir-faire; on nous parle des évolutions des techniques et des méthodes, des tendances des nouvelles modes, et les  plus grands noms évoqués résonnent dans nos esprits et par connotation comme des symboles : Marc Chagall, Yves Saint Laurent, Christian Lacroix, Kenzo… Mais c’est de la poudre aux yeux car avec seulement une trentaine de costumes présentés, l’exposition est vraiment « pauvrette » et au fil des étages notre fascination du sujet retombe comme un soufflet. Certes quelques belles pièces sont intéressantes comme les vitrines de masques, de couronnes, de diadèmes et de chaussures, mais ça n’est pas suffisant au regard de la qualité d’autres lieux d’exposition qui rivalisent de mises en scène riches et originales pour compléter notre compréhension des sujets d’exposition.

Contrairement à ce qui est annoncé, il n’est pas du tout question d’une odyssée du costume de scène. L’Histoire avec un  grand « H » n’est seulement consultable que sur le site Internet de l’exposition : selon un découpage de quatre périodes entre 1900 et 2000, on nous explique enfin l’évolution du costume depuis la période historique jusqu’aux derniers créateurs de luxe en passant par le rôle des peintres et de l’école de Paris.

De plus, l’hommage aux ateliers, si tant est qu’on puisse l’appeler « hommage » est ridicule. Seulement trois panneaux expliquent l’organisation des métiers de la Direction des costumes de l’Opéra, donc pas de quoi révéler des vocations ! Le patchwork de photos des ateliers ne met pas du tout en valeur les nombreuses spécialités des « petites mains » : cordonnerie, perruquerie, couture, broderie, chapellerie, plumasserie, dentellerie, corsetterie…etc sont autant de mots magiques qu’il convenait de valoriser.

Paradoxalement, là où il est question de savoir-faire manuel et vivant, tout est contraint et figé. On ne demandait pas une interaction du type rencontre avec les couturières, mais pourquoi ne pas avoir prévu quelques vidéos reportages pour montrer leur travail ? De la même façon, il y a une rupture évidente entre la vocation originelle de l’Opéra à être le lieu d’exhibition d’œuvres musicales et l’absence sur l’exposition d’une quelconque ambiance de fond. On aurait apprécié, par exemple en découvrant le costume du cygne noir du Lac des cygnes de Tchaïkovski, en entendre quelques airs bien connus. Idem pour le costume d’Elvira de la Traviata de Verdi. Ou alors, de la même façon que ça a été si bien prévu pour la boutique des souvenirs, pourquoi ne pas avoir diffusé quelques extraits vidéos des ballets et opéras où les costumes exposés sont justement mis en scène ? Les passerelles manquent cruellement…

L’idéal aurait bien sûr été de réaliser un reportage créé à l’occasion de l’exposition pour comprendre le travail d’équipe entre chaque maillon de la chaîne costume qui apporte sa pierre à l’édifice ; et puis on aurait aussi entendu les danseurs qui ont leur mot à dire, car si le costume est avant tout créé pour l’esthétique, il doit accompagner l’artiste de manière confortable et se fondre sur lui comme une seconde peau.

Pour terminer, je remarque aussi que bien avant la réalisation des costumes par les ateliers, toute la partie réflexion et création des couturiers est totalement inexistante. On ne nous explique pas du tout comment et pourquoi tel ou tel metteur en scène privilégie tel créateur. Alors quant à l’exposition de leurs dessins et croquis, on en est à des années lumières ! Vraiment dommage, car après tout s’il est bien quelque chose qui fascine les plus curieux, ce sont les secrets de fabrication, les coulisses des spectacles.  Je pense que si quelques passionnés de stylisme sont venus voir l’exposition, leur déception a du être immense. Petite remarque au passage: le billet d’entrée à 9 € couplé pour l’Opéra et l’exposition ne justifie-t-il pas la maigreur de cette dernière?

Heureusement, comme pour sauver les meubles, l’Opéra Garnier reste une valeur sûre à visiter : treizième salle d’Opéra depuis la fondation de l’institution par le roi Loui XIV en 1669, sa construction fut décidée sous Napoléon III dans le cadre des travaux de rénovation parisiens dirigés par le baron Haussmann. Et c’est Charles Garnier, un jeune architecte inconnu de 35 ans qui remporta le concours. Après quinze années de construction, l’Opéra Garnier fut inauguré en 1875 pour le plus grand bonheur des mondains de l’époque. Entre le grand escalier en marbre à double révolution, les plafonds peints, les mosaïques dorées, et les foyers richement décorés à la manière des galeries des châteaux de l’âge classique, l’Opéra Garnier est véritablement un chef-d’oeuvre.

Un endroit à ne pas manquer si vous le visitez prochainement : promenez-vous sur la loggia à l’extérieur du grand foyer, et admirez la vie trépidante parisienne avec au loin la perspective de l’avenue de l’Opéra jusqu’au Louvre.

Opéra Garnier

10, rue Halévy

75009 Paris

Tel. 0892 89 90 90

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4 thoughts on “L’habit ne fait pas le moine!

  1. J’aurais préféré n’avoir que des éloges à faire sur cette expo, mais je choisis de vous donner mon véritable sentiment. Si quelqu’un a un avis contraire, surtout n’hésitez pas à le dire!

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  2. Au contraire vas-y comme ça tu me donneras ton avis. C’est comme les critiques de films en fait. Tout dépend de ce que tu t’attends à trouver ou à voir. Je m’étais peut-être imaginé tout un truc…

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